René GUITTARD
152 Rue d'Hesdin
62270 FREVENT
LA RESISTANCE DANS LE TERNOIS
Secteur de Frévent, Saint-Pol s/Ternoise
Auxi-le-Château, Avesnes-le-Comte
Septembre 1986
En remerciement
Et à la mémoire
De Monsieur le Colonel Fernand LHERMITTE (+ 1986)
Président d'Honneur des Anciens Résistants
Actifs de l'OCM et du BOA du Pas-de-Calais
A qui ce récit doit beaucoup
De Monsieur André VELUT (+ 1983)
notre regretté Président
dont l'action a été déterminante
pour perpétuer le souvenir de la "Résistance"
dans le Pas-de-Calais
 
 
 
PREAMBULE
Cette histoire de la Résistance dans le Ternois est une marque d'estime envers ceux qui ont activement participé au combat clandestin dans ce qui fut, à l'échelle de l'arrondissement, le Secteur de Frévent. C'est aussi et surtout un hommage rendu à la mémoire de nos compagnons disparus, victimes de leur engagement dans cette lutte contre l'occupant nazi afin que notre pays retrouve sa place parmi les grandes nations démocratiques et que la Liberté et la Dignité humaine triomphent de l'intolérance et du barbarisme.
Après une tentative d'analyse des raisons qui, pour la plupart d'entre-nous ont pu motiver l'engagement dans la Résistance, ce récit évoquera:
l'implantation des mouvements et réseaux qui ont couvert le secteur de 1942 à 1944:
leurs activités résistantes ponctuées de quelques anecdotes qui donneront une certaine idée de l'intensité des évènements:
le bilan des pertes subies dans nos rangs du fait de la répression des diverses polices allemandes et des Combats de la Libération.
R. Guittard
A Frévent le 15 Septembre 1986
 
 
 
L'ENGAGEMENT DANS LA RESISTANCE
Pour comprendre un tel engagement il faut essayer de se replacer dans le contexte de cette époque de l'après Grande Guerre 1914-1918, époque qui a modelé la génération de ceux qui s'engagèrent dans la folle mais exaltante épopée de la "Résistance".
La France avait gagné cette Grande Guerre. L'école glorifiait l'héroïsme de nos pères dans les tranchées, sensibilisait nos jeunes âmes sur le retour enthousiaste de l'Alsace-Lorraine dans la Nation Française et exaltait les vertus patriotiques de cette France victorieuse.
D'autre part, le position du Ternois, durant les 4 années de cette 1ére Guerre Mondiale, dans la Zone des Armées Anglaises, les durs et meurtriers combats menés côte à côte sur les champs de Bataille de l'Artois, le renouvellement chez nous de l'implantation militaire britannique au cours de la "Drôle de Guerre" de 39-40, ont cimenté dans notre région une forte solidarité franco-anglaise.
Les horribles massacres d'Aubigny en Artois et de Besles-Monchel perpétrés dès le mois de Mai 1940 par les SS, soulèvent notre indignation.
Les bulletins d'information de la Radio britannique, l'émission journalière "les Français parlent aux Français", les interventions du Général de Gaulle à la BBC trouvent au fond de nous-mêmes une résonance profonde et éveillent l'espoir, tandis que la propagande collaboratrice vichyssoise de Pétain nous apparaît comme une lâcheté, alors même que nous prenons terriblement conscience de la menace d'annexion du Grand Reich de nos Provinces du Nord rattachées à l'Oberfeldkommandantur de Bruxelles et séparées du reste de la France par la ligne de démarcation installée le long de la Somme, véritable frontière gardée, très difficile à franchir.
Dès le mois de Juin 1940, une filière d'évasion, couvrant Frévent, Saint-Pol s/Ternoise et leurs environs immédiats, ramifiée vers ARRAS et BETHUNE permet de parachever l'évasion des soldats français échappés des colonnes de prisonniers et de nombreux militaires britanniques qui veulent rejoindre la Grande-Bretagne pour continuer la lutte armée. C'est aussi par le canal de cette filière que quelques jeunes gens de la région répondant à l'Appel de De Gaulle pourront également rejoindre les "Forces Françaises Libres" renaissantes en Angleterre.
Les contraintes imposées par l'occupant: couvre-feu de 21 h à 6 h, circulation strictement contrôlée, réquisitions massives, difficultés de ravitaillement, ne tardent pas à entraîner la réaction de quelques uns de nos concitoyens qui, du hasard des relations et des affinités idéologiques, parfois dans le cadre des activités professionnelles et des anciennes formations politiques ou syndicales, agissent par petits groupes, voire isolément, pour combattre la propagande ennemie et exécuter quelques sabotages:
Le 13 Octobre 1941: 150 m de fils téléphoniques enlevés entre BRIAS et SAINT-POL.
Le 26 Mars 1942: tentative de sabotage sur un aiguillage en gare de TINQUES.
Le 2 Avril 1942: sabotage sur la voie ferrée en gare de BRIAS.
Le 1er Mai 1942: inscriptions anti-nazis peintes sur les routes du centre de FREVENT. Dans la nuit du 30 Avril au 1er Mai, la patrouille allemande de nuit qui constate le fait en rend compte au Commandement Allemand qui alerte la Feldgendarmerie. Elle procède immédiatement à l'arrestation de 17 Fréventins emmenés à la Kommandantur. Ils seront relâchés le 1er Mai dans la matinée après que le plus jeune d'entre eux, Georges FATIEN, ait été contraint de faire disparaître les inscriptions.
Le 22 Juin 1942: rail coupé par explosif à MONCHY-CAYEUX.
Le 27 Juin 1942: la Kommandantur d'ARRAS impose la confiscation de 5 postes "radio" à FREVENT, suite à un sabotage sur une ligne téléphonique allemande à la sortie ouest de FREVENT vers LIGNY s/CANCHE.
Ainsi, très tôt, quelques patriotes du Ternois avaient montré leur volonté de secouer le joug de l'occupant. Mais c'est vers la fin de l'été 1942 que le message "On ne dégotte pas les gars du Nord et du Pas-de-Calais" lancé sur les ondes de le BBC rend officielle la constitution des groupes de Résistants déjà formés à FREVENT et dans les environs. Puis, rapidement, ce premier noyau organisé, fait tache d'huile vers SAINT-POL, AUXI, AVESNES et LUCHEUX.
Les activités relèvent de quatre organisations:
2 mouvements de "Résistance intérieure"
l'OCM: Organisation Civile et Militaire
le FN-FTPF: Front National et Francs Tireurs Partisans Français
2 Réseaux FFC (Forces Françaises Combattantes) rattachés au BCRA (Bureau Central Renseignements et Action) de l'Etat-Major des FFL (Forces Françaises Libres) à LONDRES
le réseau-action BOA (Bureau des Opérations Aériennes)
le réseau-évasion "Bordeaux-Loupiac"
IMPLANTATION DES MOUVEMENTS ET RESEAUX
LE MOUVEMENT OCM
ORGANISATION AU CHEF-LIEU DU DEPARTEMENT
C'est à la suite d'un entretien qui eut lieu à ARRAS, dans le courant du mois de Juillet 1942, entre JACQUOT alias "Antoine" de PARIS délégué par le Colonel TOUNY Responsable National de l'OCM et Georges BEDEZ Ancien Maire d'Arras que le Mouvement OCM fut implanté dans le Pas-de-Calais. Acte de cette implantation fut donnée par LONDRES dans un message reçu fin Juillet 1942: "Les Quatre Amis d'ARRAS se sont réunis". Un Etat-Major départemental se constitue, et immédiatement Raoul FRANÇOIS alias "Godillot" Professeur à ARRAS se voit confier l'organisation militaire pour les secteurs de la Côte, d'HESDIN, de FREVENT et de SAINT-POL.
LE SECTEUR OCM DE FREVENT EN AOUT 1942
Raoul FRANÇOIS contacte rapidement Augustin PETIN alias "Bâtisse" instituteur alors en poste à IZEL-les-HAMEAUX qui prend place au Comité Départemental OCM.
Les premiers contacts dans le secteur sont pris par "Bâtisse" dès ce mois d'Août 1942 avec:
Docteur Pierre CUALLACCI alias "Toubib" de FREVENT
Raymond HETROY alias "André" de FREVENT
Oscar TINCHON alias "Ternois" de SAINT-POL
Marcel HERARD alias "Lucien" de LE PONCHEL
Maurice BERTOUX alias "Le Marin" de BOFFLES
La liaison est assurée par René GUITTARD alias "Banjo" de FREVENT.
REORGANISATION DU SECTEUR EN AOUT 1943
A la suite: du départ de Pierre CUALLACCI arrêté le 20 Juillet 1943, ce jour où la Gestapo, qui a eu connaissance de la liste des principaux responsables OCM du Pas-de-Calais par l'intermédiaire d'un traître nommé BAILLART exécuté deux jours avant par la Résistance, procède à une quarantaine d'arrestations de membres du Mouvement ainsi pratiquement décapité
du départ de Raymond HETROY recherché par la Gestapo et qui quitte le secteur
du départ d'Augustin PETIN qui rejoint à ARRAS les responsables départementaux TISON et HELLE pour devenir ensuite, en Décembre 1943, Responsable Départemental de FFI (Forces Françaises de l'Intérieur) de la SOMME.
Maurice BERTOUX devient responsable du secteur jusqu'à la Libération avec pour adjoint René GUITTARD et pour agent de liaison Georges LION alias "Guy" de FORTEL en ARTOIS.
La "Boîte aux Lettres" est assurée au café Eugène GUITTARD alias "Just" 33 rue de Doullens à FREVENT jusqu'au début d'Avril 1944 (Madame Sidonie GUITTARD étant arrêtée par la Gestapo le 8 Avril 1944 - cf en Appendice 9: L'arrestation de ma mère), puis chez Jean et Roger COTON rue des Lombards à FREVENT.
Cinq sous-secteurs sont définis avec chacun leur responsable chargé:
du recrutement dans la zone qui lui est impartie
des contacts avec l'E.M. du secteur
1) S/secteur de FREVENT avec Jean COTON alias "Bob" arrêté le 9 Juillet 1944; remplacé par Robert MONCOMBLE alias "Poulet"
2) S/secteur d'AUXI-le-CHATEAU avec Marcel HERARD recherché par la Gestapo en Décembre 1943; remplacé par Adrien DELAVAL alias "Alain" d'Auxi, arrêté le 11 Mars 1944; lui-même remplacé par Paul SOUDAIN de Willencourt
3) S/secteur de SAINT-POL sur TERNOISE avec Oscar TINCHON ayant pour adjoint Albert ASSEZ alias "Bronchite" alors inspecteur PTT à St Pol
4) S/secteur d'AVESNES-le-COMTE avec Jacques DARTEVELLE alias "Théo" et pour adjoint Léonce ROUSSEL
5) S/secteur de LUCHEUX (Somme) avec Ernest HEMERY et pour adjoint Hector LENGLET. A la demande d'Augustin PETIN ce s/secteur de LUCHEUX sera rattaché à l'OCM Somme à partir de Janvier 44.
Dans chaque s/secteur un fructueux effort de recrutement a été entrepris. Dans de nombreux villages (tout en s'entourant des garanties nécessaires pour la sécurité de chacun et la survie du mouvement) un responsable local est contacté qui recrute alors son propre groupe.
A l'échelon des responsables du secteur une recherche plus particulière est axée:
1) vers certains employés de secrétariat en Mairie de FRÉVENT, de SAINT-POL et d'AUXI, et vers certains instituteurs secretaires de Mairie contacts très précieux pour les faux papiers et les tickets de ravitaillement: Rebreuve s/Canche, Villers l'Hôpital, Vaulx-les-Auxi, Le Ponchel, Siracourt Bruneville répondent à notre sollicitation
2) vers les brigades de Gendarmerie aux sources des renseignements sur les activités répressives des Polices "françaises" voire "allemandes"
Sont ainsi noyautées les Brigades de St Pol (1 gendarme) de Frévent (2 gendarmes et le Chef de Brigade) et d'Auxi (1 gendarme).
Afin d'assurer la confiance de tous, un message dit "de contact": "Le P'tit Quinquin et l'Ami Bidasse vont la main dans la main" est diffusé à plusieurs reprises au cours de l'automne 1943.
La mise en place de la phase "Action" étant envisagée par les EM dès le début de l'année 1944, une équipe de 6 volontaires déterminés dite Equipe Action Immédiate est immédiatement armée et instruite sur le maniement des armes et explosifs parachutés et placée sous la responsabilité de Gérard MALO.
LE FRONT NATIONAL ET LES FTPF
Il faut d'abord rappeler que ces mouvements de résistance se sont constitués à l'instigation du "parti communiste" contrait à la clandestinité depuis la signature en Août 1939 du pacte germano-russe, et qui, après l'attaque de la Russie par l'Allemagne en Juin 1941, entre dans la lutte clandestine contre l'envahisseur nazi.
Dans le secteur cette forme de résistance sera fort active, dès l'été 1942, dans 2 de nos villes dont le tissu industriel avait entraîné une certaine implantation syndicale et communiste:
à FREVENT avec Raymond VIGREUX pour le FN et Charles DUQUENNOY alias "Freddy" à la tête d'un groupe très actif
à AUXI-LE-CHATEAU avec Elie VARLET alias "Goudron"
Il est à noter que dans notre secteur, contrairement à ce qui a pu se passer ailleurs, les groupes de l'OCM et ceux du FN et des FTP ont fait cause commune.
BOA : BUREAU DES OPERATIONS AERIENNES
Pierre DESHAYES alias "Jean Pierre" ou "Tommy gun" Officier de Liaison du BCRA à LONDRES est parachuté en France en D écembre 1942. Il a reçu mission d'organiser les équipes BOA dans les 5 Départements de la Région A (Nord, Pas-de-Calais, Somme, Aisne, Seine Maritime).
Grâce à l'OCM, déjà en place, il contacte, dans le secteur, le docteur Pierre CUALLACCI et amène Pierre DE CLEENE alias "Alex" comme adjoint technique.
Des recherches de terrains sont alors effectuées par DESHAYES, DE CLEEVE, CUALLACCI, HÉTROY et GUITTARD qui recrutent en même temps les Chefs des Equipes de Réception:
Marcel HERARD à LE PONCHEL
Guy et René BOUILLET à REBREUVIETTE
Jean MASSERON à SAINT-POL s/TERNOISE
1 terrain du s/secteur d'AUXI-LE-CHATEAU et 2 terrains du s/secteur de FREVENT sont homologués et seront utilisés:
à LE PONCHEL: Terrain SARRE
à CANETTEMONT: Terrain SAMBRE
à REBREUVIETTE: Terrain SCARPE
3 autres terrains homologués dans les s/secteurs d'AUXI-LE-CHATEAU et de SAINT-POL s/TERNOISE ne seront pas utilisés: à GUESCHART, à HAUT-MAINIL et à BLANGERMONT.
RESEAU D'EVASION BORDEAUX-LOUPIAC
Dès le printemps 1943, les passages quasi-quotidiens des escadrilles bombardiers lourds anglo-américains survolent le Ternois à l'aller et au retour des raids massifs de bombardements sur l'allemagne centrale, les incessantes attaques aériennes indispensables pour neutraliser les nombreuses rampes de V1, se butent à un réseau serré et efficace de DCA. Les avions alliés s'écrasent dans nos campagnes avec leur équipage. Heureusement, assez souvent, le saut en parachute ou un atterrissage en catastrophe permet aux hommes de s'en tirer sans trop de dommage. Dès lors, la "Résistance" a le devoir de les récupérer; le problème du nombre d'aviateurs expérimentés étant plus crucial pour les Alliés que celui du remplacement du matériel perdu.
Dès le mois d'Août 1943, la mise en place d'une filière d'évasion s'avère indispensable. Organisée à l'échelon OCM-BOA (secteur d'arrondissement) cette branche d'activité est rattachée au réseau "Bordeaux-Loupiac" après une prise de contact à LILLE en Août 1943 entre René GUITTARD et le Responsable Régional de ce réseau FFC: HEGEDOS alias "Antoine" (journaliste au "Réveil du Nord" actuel "Nord-Matin") et se présente ainsi:
Responsable du réseau à l'échelle du secteur: René GUITTARD avec l'aide de sa jeune épouse née DUMONT Marie-Thérèse
Adjoints: Jean COTON alias "Bob" et Eugène GUITTARD alias "Just"
Agent de liaison: sur Lille et Arras: Georges LION
Cinq sous-secteurs de recueil sont mis en place:
Frévent-ouest: Responsables Maurice DOURLENS et l'Abbé GUERLET de Fillières
Frévent-est: Responsables Paul DEBRET à Honval et Pierre CHABE de Rebreuviette
Frévent-sud: Responsable Léon RESIMONT de Bonnières
Auxi-le-Château: Responsables Joseph BECKER d'Auxi et Marcel HERARD de Le Ponchel
St Pol-sur-Ternoise: Responsable Jean MASSERON de St Pol
Malgré les énormes risques encourus 58 familles connues hébergeront, dans le Ternois, les nombreux aviateurs tombés et récupérés dans la région. (cf en Appendice 1: organigramme du réseau "Bordeaux-Loupiac")
Il est bien évident que ces réseaux "BOA" et "Bordeaux-Loupiac" ne sont, en fait, que 2 branches d'activités plus spécifiques du mouvement OCM.
ACTIVITES RESISTANTES DU SECTEUR
RENSEIGNEMENT
Suivant les directives de l'E.M. d'ARRAS données dès 1942 la quête des "renseignements" doit être systématiquement et minutieusement organisée. Elle concerne:
1) Les mouvements des troupes ennemies repérables en relevant les numéros des plaques, de toutes les inscriptions sur les véhicules militaires et en précisant les caractéristiques des uniformes
2) L'implantation des Etats-Majors, des dépôts de carburant, des dépôts de matériel
3) La mise en place de toutes les infrastructures ennemies fort nombreuses dans le secteur: champs d'aviation, postes de DCA, zones de lancement des V1 et V2, etc …
Ces renseignements recueillis par les Responsables de chaque sous-sectors sont centralisés à FREVENT, mis au net et transmis à ARRAS pour être acheminés vers l'Angleterre par l'intermédiaire des réseaux "CENTURIE" et "ZERO-FRANCE".
Les plus importants renseignements fournis ont concerné:
1) Le plan du terrain d'aviation de BRIAS et de sa station de radioguidage (Septembre 1943)
2) Les informations sur l'ensemble des terrains de la Luftwaffe et des rampes de V1 recueillies par Bob MERLIN, pilote de la RAF abattu en Août 1943 et employé comme chauffeur personnel de Joseph BECKER pour la firme ODENTHAL chargée des travaux d'infrastructure de l'Organisation TODT
3) Le plan général des rampes de V1 dérobé au bureau allemand de BEAUVOIR-BONNIERES (Décembre 1943)
4) L'énorme construction de SIRACOURT destinée au stockage des V1 et V2 (fusées inertes) et la position exacte de la station de téléguidage de PREDEFIN (Janvier 1944)
5) Le gros dépôt de carburant de la forêt de LUCHEUX totalement détruit par un bombardement nocturne de la RAF au début de Juillet 1944
FILIÈRE EVASION
Le secteur de FRÉVENT-AUXI-ST POL a été particulièrement efficace dans l'aide apportée aux aviateurs alliés abattus dans la région.
De Janvier 1943 à la mi-Juillet 1943: 3 aviateurs (1 Anglais, 1 Américain, 1 Canadien) sont récupérés par CUALLACCI et METROY et dirigés sur ARRAS où ils sont pris en charge par le réseau "Pat O' Leary".
A partir d'Août 1943 jusqu'à "la Libération": GUITTARD père et fils, et Jean COTON mettent en place la filière HEGEDOS alias "Antoine" (Réseau Bordeaux-Loupiac); 53 aviateurs: 17 Anglais, 23 Américains, 6 Canadiens, 3 Néo-Zélandais et 4 Australiens sont pris en charge et hébergés sur l'ensemble du secteur. (cf en Appendice 2: Liste des aviateurs alliés)
Les aviateurs sont soignés par plusieurs médecins d'Auxi (Dr Boutin et Dr Hibon), de Frévent (Dr Cuallacci et son remplaçant Dr Wallyn), de Saint-Pol (Dr Carette), de Lucheux (Dr Jaquemelle).
La subsistance est assurée, soit par les cultivateurs hébergeant les aviateurs, soit, pour ceux hébergés ailleurs, par les tickets de ravitaillement détournés par certains employés de Mairie et honorés avec l'aide de quelques commerçants de Frévent, de St Pol et d'Auxi.
Les vêtements civils provenaient de récupération auprès de sympathissants et en grande partie du confectionneur fréventin Maurice MEMBISE, puis adaptés par quelques dévouées couturières (Suzanne LOUIS).
Les faux papiers (identité, certificats de travail) sont établis par Eugène GUITTARD et quelques instituteurs secrétaires de Mairie spécialement contactés.
Sur l'ordre d'"Antoine" les aviateurs, en partance pour le périlleux périple du retour vers la Grande-Bretagne, sont rassemblés à FREVENT et convoyés vers ARRAS ou LILLE: 1ère étape de ce retour. (cf en Appendice 3: L'accident de Rebreuviette)
Mais le 8 Avril 1944, Sidonie GUITTARD, en compagnie de 10 aviateurs rassemblés pour le départ dans son café au 33 de la Rue de Doullens, est arrêtée par la Gestapo et le Feldgendarmerie descendus en force. Son mari et son fils échappent miraculeusement au coup de filet. Emmenés avec elle à la Prison de LOOS-les-LILLE, les 10 aviateurs parviendront à s'enfuir au cours d'un bombardement aérien de la prison.
En fait: une vingtaine d'aviateurs ont pu rejoindre la Grande-Bretagne via l'Espagne:
13 ont été hébergés jusqu'à La Libération
Quant aux autres, arrêtés sur le chemin de l'évasion, ils ont été emmenés comme "Prisonniers de Guerre" en Allemagne
Trois messages ont été transmis par la BBC pour signaler le retour d'aviateurs en Grande-Bretagne:
En Novembre 1943: "Bonjour à La Fleur"
En Janvier 1944: "Le lapin est bourré d'asticots"
En Mars 1944: Il n'y a plus de gangsters à Chicago"
En outre une ressortissant russe reçu du groupe FTP d'AUXI en Février 1944 sera hébergé quelques semaines à FREVENT avant d'être remis à ARRAS à un réseau spécifique de réfugiés russes (Prisonniers de Guerre russes ou Requis russes évadés).
FAUX PAPIERS - AIDE AUX REFRACTAIRES AU STO (Service du Travail Obligatoire en Allemagne)
De 1942 à La Libération, plus de 300 fausses cartes d'identité accompagnées de faux certificats de travail et de faux certificats de domicile ont été fabriqués dans le secteur. Ils sont destinés:
aux résistants contraints de changer d'identité pour échapper aux poursuites de la Gestapo
à certains de nos concitoyens condamnés à la fuite permanente pour échapper aux conséquences tragiques de l'horrible politique raciale du 3ème Reich
aux aviateurs alliés récupérés
aux prisonniers évadés
aux nombreux réfractaires au STO
En dehors de l'utilisation clandestine des cachets des villes et des villages déjà cités et du cachet du Commissariat de Police d'Arras utilisé grâce à un contact établi par Georges LION, beaucoup de fausses cartes, surtout celles destinées aux réfractaires au STO sont fabriquées à l'aide du vieux cachet de la commune de VAULX-les-AUXI récupéré par Raymond HETROY et confié à Eugène GUITTARD plus spécialement chargé de ce genre d'activité.
Les faux certificats de travail sont établis à l'aide de cahets dérobés dans les bureaux du Comptoir Lenier et de la Fonderie Winterberger à FREVENT et des Emailleries AUBECQ à AUXI-le-CHATEAU.
A noter que jamais les détenteurs de ces faux papiers, bien que souvent contrôlés, n'ont été inquiétés, du moins pour ce motif, ni par les Allemands, ni par la Police française.
Quelques jeunes réfractaires au STO sont planqués par nos soins chez des cultivateurs su secteur et viennent ainsi efficacement grossir nos effectifs.
LES PARACHUTAGES ET LES ATTERRISSAGES
Nuit du 12/13 Juillet 1943: Terrain SARRE à Canettemont
Message: "Alex a retrouvé son couteau"
Largage réussi de 6 containers et 1 valise (courrier)
(1 container est resté accroché à l'avion)
Nuit du 15/16 Juillet 1943: Terrain SCARPE à Le Ponchel
Message: "Le sucrier est entre les deux tasses"
Largage réussi de 7 containers et une valise
Le 16, dans la journée, Madame HERARD Institutrice emmène sur le terrain ses élèves en séance de jeux de plein air, pour effacer les traces trop marquées du parachutage
Nuit du 19/20 Septembre 1943: Terrain SAMBRE à Rebreuviette
Message: "Ne foulez pas les blés"
Gros parachutage réussi de 18 containers
Nuit du 22 au 23 Septembre 1943: Terrain SCARPE
Message: "Entre la poire et le fromage"
L'équipe de réception voit passer l'avion à 5 h du matin, ce qui rend le parachutage impossible (lever du jour)
Nuit du 7 au 8 Octobre 1943: Terrain SAMBRE
Message: "Les prairies sont verdoyantes"
L'avion arrive trop tôt (21h20), l'équipe de réception n'a pas eu le temps matériel de se mettre en place. Largage non effectué
Nuit du 18 au 19 Octobre 1943: Terrain SCARPE
Message: "Il pleut sur la ville"
L'équipe est en place mais la présence de nombreuses patrouilles allemandes près du terrain rend le balisage et le largage impossibles
Nuit du 15 au 16 Novembre 1943: Terrain SARRE à Canettemont
Message: "La lune brille ce soir sur la ville" (lettre X)
Atterrissage et décollage sans problème d'un LYSANDER du 161ème Squadron de la RAF piloté par le Flying Officer MacCAIRNS
DAMBRINE amène dans le fourgon des Pompes Funèbres d'ARRAS les 3 partants : le major Yéo THOMAS alias "Shelley" alias "Le Lapin Blanc" et 2 femmes MMelles VIROLLE et PICHARD qui emmènent en Angleterre les précieux renseignements sur l'implantation des V1 et les défenses côtières du Mur de l'Atlantique. Le fourgon rembarque vers ARRAS les 2 arrivants: René HOUZE qui rejoint l'Etat-Major Régional Clandestin à Lille et un inconnu, agent de "l'Intelligence Service" en mission pour le compte du mouvement WO directement implanté en France par les services de renseignements britanniques (les réseaux "Buckmaster" et le mouvement du capitaine Michel)
LES ARMES ET LES EXPLOSIFS
Au début de 1942 nous ne disposons que de quelques revolvers et pistolets de récupération de moyen calibre (7,65) remis en état par les frères COTON de Frévent et d'une centaine de cartouches utilisables.
Dès les premiers parachutages en Juillet 1943 la situation va sérieusement s'améliorer:
Les containers nous apportent:
des pistolets et des revolvers de plus gros calibre (9 mm et 11,2)
des mitraillettes "Sten"
des cartouches
des grenades
des explosifs: "Plastic" et "808" avec cordon, détonateurs, crayons à retardement etc.
Des dépôts provisoires d'armes placés sous la responsabilité du BOA sont aménagés dans les fermes proches des lieux de parachutage puis ventilés à partir de Novembre 1943 sur ordre des "délégués militaires" (Régional et Départemental) au profit des mouvements de Résistance.
OCM: pour les secteurs: "Littoral", "minier", ARRAS et SAINT POL, FREVENT
FTP: pour les secteurs "minier", Auxi-le-Château, FREVENT et ARRAS
Voix du Nord: pour les secteurs "Minier" et LAVENTIE
W.O: pour le secteur "minier"
Les transports sont effectués:
par les cultivateurs
par l'ambulance gazogène du Dr CUALLACCI
par la camionnette du garage "Renault" de FREVENT utilisée à l'insu de leurs parents par Pierre et Roger MERCIER
par la traction avant Citroën achetée grâce à l'argent avancé par Joseph BECKER, voiture disposant d'un faux permis de circuler et conduite par Georges LION alias "Guy" et utilisée à toutes fins dans le secteur jusqu'au 26 Juillet 1944. Arrêtés à St Pol au cours d'une de ces missions de transport, les 4 occupants de la voiture, protégés par le tir de leurs armes, parviennent à s'enfuir malgré la réplique des Allemands. Ils abandonnent "la traction" au bas de la Rue de Béthune au niveau de l'Ancien Tribunal. Au cours de la fusillade plusieurs Allemands ont été touchés ainsi que notre camarade Maurice LEFEBVRE assez sérieusement blessé par balle
Fin Janvier 1944, une équipe su secteur (René GUITTARD, Gérard MALO et Pierre COLLEMENT) prend possession, avec le camion Paul LEMAIRE, Vins et Spiritueux à FREVENT, d'une tonne et demie d'armes et explosifs à ALETTE près de MONTREUIL s/MER, amenés dans une cache à CONCHY s/CANCHE pour être ensuite ventilés sur l'ensemble du secteur.
INSTRUCTION SUR LES ARMES ET EXPLOSIFS PARACHUTES
Dès le début de Décembre 1943, un instructeur FFL nous est envoyé par le Régional FFI Jean DELVALEZ. Une cache pour le matériel et un local sont mis à sa disposition à la ferme DUPOND-CHABE Rue du Maréchal Pétain (actuelle Rue Général de Gaulle) à FREVENT. Les volontaires des équipes "Action Immédiate", de nombreux résistants du secteur et des secteurs voisins, 2 jeunes "Voix du Nord" envoyés par Lille, y sont entraînés à l'emploi des armes et explosifs durant les mois de Décembre 43, Janvier et Février 44. Puis Gérard MALO chef d'équipe AI du secteur est nommé Instructeur Départemental par l'Etat-Major FFI d'Arras.
A noter qu'en plus des explosifs, les équipes de saboteurs utilisent les bombes non explosées, désamorcées et abandonnées un peu partout après les bombardements alliés.
ACTIONS DE SABOTAGES
1) Sabotages effectués en coordination par les groupes OCM et les groupes FTP. De Septembre 1943 à Mars 1944 ces équipes ont réalisé:
12 sabotages (par déboulonnage ou par explosif) sur voie ferrée suivis de déraillements sur les lignes FREVENT-DOULLENS, FREVENT-SAINT POL, SAINT POL-ANVIN, FREVENT-AUXI-ABBEVILLE
4 sabotages de fils téléphoniques "chemin de fer" et 3 sabotages sur lignes téléphoniques allemandes
2 sabotages d'installations hydrauliques en gare d'AUXI
1 sabotage sur camions allemands parqués dans l'Avenue du Château de Cercamps à FREVENT
1 sabotage sur wagons de chemin de fer en gare de FREVENT
1 coupure par explosif sur câble téléphonique souterrain FREVENT-SAINT POL (entre Frévent et Nuncq)
En Mars 1944 nos gendarmes fréventins nous informent que Charles DUQUENNOY alias "Freddy" responsable des groupes FTP est très activement recherché par les polices françaises et allemandes. Contraint à l'inaction dans le secteur, il reçoit l'ordre de ses chefs de quitter la Région Nord et rejoint la Région Est où il sera tué au cours d'une attaque directe contre les Allemands. Ses groupes sont repris par l'Etat-Major des FTP du Bassin Minier, sauf quelques isolés qui se raccrochent à l'OCM en forêt de Lucheux.
2) Au cours des mois de Février et Mars 1944:
Il règne une certaine effervescence au niveau des Etats-Majors et les responsables pour la mise en place de l'opération du tout proche débarquement dont il ne fait aucun doute, pour nous, qu'il aura lieu sur nos plages du PdC. (Bien sûr, nous savons maintenant qu'il s'agit là d'un des aspects de cette manœuvre habile des Alliés dite "Opération Fortitude" qui réussit même à abuser le Haut Commandement Allemand). En conséquence:
on multiplie les sources de renseignement sur l'activité ennemie
on procède à la mise en place des plans d'actions:
Plan Vert: sur réseau routier et sur réseau ferré
Plan Bleu: sur communications téléphoniques
Plan Jaune: sur dépôts de carburant et de matériel
on intensifie les actions de sabotages surtout à partir du moment où, les 5 et 6 Juin, sont diffusés par la BBC les messages de mise en œuvre, soit successivement:
"Les sirènes ont les cheveux décolorés" pour une action généralisié sur les communications téléphoniques allemandes (Plan Bleu)
"Au bout de l'envoi je touche" pour une surveillance plus étroite des déplacements des troupes par fer et par route
"Ils se répandirent dans la plaine" message propre au débarquement déclanchant l'action directe plus soutenue (Plan Vert et Plan Jaune)
3) C'est ainsi que de Mars 1944 au 1er Septembre 1944 les groupes AI de l'OCM accomplissent
20 sabotages à l'explosif contre les voies ferrées (dont 4 contre des ouvrages d'art à Ligny, St Flochel, Sibiville et Frévent) avec coupures des lignes téléphoniques avoisinantes
2 sabotages d'installations techniques dans les gares de Bouquemaison et St Pol
11 destructions de lignes téléphoniques (dont la cabine de Ramecourt)
1 seconde coupure par explosif du câble téléphonique souterrain à la sortie Nord de Frévent
En Mai et Juin 1944, plusieurs fourneaux de mine ont été placés sous les ponts routiers désignés par le "Plan Vert". La mise à feu a été annulée en raison de l'avance rapide des alliés en Août 1944. (cf en Appendice 4: Le sabotage du Pont de la Rue de Doullens, Appendice 5: Les sabotages effectués sur les vois ferrées, et Appendice 6: L'activité "dite terroriste" de Juin à Octobre 1943)
LES TRACTS ET LES JOURNEAUX CLANDESTINS
A toutes ces activités il faut ajouter la diffusion des "tracts" et surtout de la "Presse clandestine": La Voix du Nord et Le Patriote qui d'ailleurs nous parviennent assez irrégulièrement:
par le canal de l'EM Départemental OCM pour "La Voix du Nord"
par le FN et les FTP pour "Le Patriote"
Par contre, pour l'information des responsables nous recevons assez régulièrement "Les Cahiers de l'OCM".
LES COMBATS POUR LA LIBERATION
Dès le 31 Août 1944, informés de l'avance rapide des chars britanniques de la 7ème Division Blindée Anglaise du 12ème Corps d'Armée du Lieutenant-Général RITCHIE, tous les groupes de Résistants constitués entament des actions de guérillas visant à s'emparer du plus grand nombre possible de soldats ennemis, ou sinon à ralentir leur mouvement de retraite.
Des crève-pneus fabriqués par quelques uns de nos compagnons forgerons et semés sur la route de la retraite, ont immobilisé bon nombre de leurs véhicules.
Fatigués, démoralisés, désemparés, coupés de leurs unités, de nombreux allemands se rendent, sans coup férir, à ces soldats sans uniforme portant un simple brassard à "Croix de Lorraine". Les armes ainsi récupérées vont permettre d'équiper la plupart des volontaires qui viennent spontanément grossir nos effectifs.
Par contre certains groupes ennemis encore bien structurés et bien encadrés opposent une opiniâtre résistance, causant des pertes sensibles dans nos rangs:
le 1er Septembre 1944 à HERNICOURT 1 tué 1 blessé
les 1er et 2 Septembre à ESTREE-WAMIN 1 tué 2 blessés
le 2 Septembre à HOUVIN-HOUVIGNEUL 2 tués 1 blessé
le 2 Septembre à St MICHEL s/TERNOISE 1 tué  
le 2 Septembre à AUXI-LE-CHATEAU   2 blessés
les 2 et 3 Septembre à HERLINCOURT 2 tués 2 blessés
les 2 et 3 Septembre à St POL s/TERNOISE 1 tué 3 blessés
le 3 Septembre à GENNES-IVERGNY 1 tué  
le 3 Septembre à WAVANS s/AUTHIE 1 tué  
le 3 Septembre à GALAMETZ 2 tués 1 blessé
le 3 Septembre à FLERS 1 tué  
le 4 Septembre à ROUGEFAY   1 blessé
Soit au total: 13 tués + 13 blessés. (cf en Appendice 7: Liste nominative des tués et blessés au cours des combats de la Libération)
Les 950 prisonniers allemands capturés sur l'ensemble du secteur témoignent de l'efficacité des Combats de La Libération menés par nos groupes de Résistants et par ces Milices Patriotiques venus spontanément nous rejoindre pour bouter définitivement l'occupant allemand hors de notre Ternois.
La plupart de ces jeunes volontaires FFI regroupés dans la "Compagnie de Marche de FREVENT" cantonnée dans le Château de Gargan puis intégrée dans les 1er et 2ème Bataillons du 33ème Régiment d'Infanterie Motorisée poursuivront le combat autour des poches de Boulogne et de Dunkerque avant de rejoindre le 1ère Division d'Infanterie Française sur le théâtre des Opérations en Allemagne du Sud.
LA REPRESSION ALLEMANDE
Dès 1942, les polices allemandes (Gestapo et Feldgendarmerie) conscientes de l'importance de la Résistance dans le Ternois essaient, avec l'aide de quelques traîtres ou de quelques informateurs à leur solde, de démanteler nos mouvements et nos réseaux. Ils parviennent à arrêter plusieurs de nos compagnons occupant des responsabilités importantes dans nos organisations clandestines, sans jamais parvenir cependant à les désorganiser.
Bien au contraire, les actions de la Résistance deviennent de plus en plus fréquentes. Pour plus de rigueur dans la répression, la Gestapo réquisitionne en Mai 1944 toute une aile de la grande demeure de Madame CAUWET-DEWAZIERES Rue Houbart à FREVENT pour y installer "une antenne" qui s'alloue les services de 4 informateurs français qui parviendront à provoquer de nouvelles arrestations parmi nos compagnons:
Au total 29 résistants ont été arrêtés dans le secteur de Frévent, Saint Pol, Auxi le Château:
16 ont été déportés dans les Camps de Concentration en Allemagne: 6 y sont morts et 10 sont rentrés dans un état de déficience physique qu'on ne pouvait imaginer
13 ont été internés dans les quartiers allemands des prisons de LOOS-LES-LILLE et d'ARRAS: 2 ont pu s'évader et 11 ont été libérés
(cf en Appendice 8: Déportés et Internés de la Résistance. Etat des arrestations et des pertes dans le secteur)
CONCLUSION
Cet exposé des activités résistantes du secteur de FREVENT, ST POL, AUXI, AVESNES montre que l'impulsion donnée aux équipes par les fondateurs locaux, en 1942, des mouvements et réseaux précités a été des plus efficaces. Le bilan des actions est remarquablement positif par rapport aux pertes subies; la répression allemande ayant été très limitée par le silence obstiné de ceux de nos camarades arrêtés par la Gestapo.
Certes, le but à atteindre était, dans la mesure de nos moyens, la réalisation concrète d'actions directes contre la machine de guerre ennemie, mais je crois qu'il me faut, pour conclure, évoquer avec franchise, ce qu'un tel engagement a pu, sur le plan humain, apporter aux jeunes que nous étions alors. "La Résistance" fut avant tout, pour nous, un engament total avec tout ce qu'un tel engagement peut apporter de sacrifices et d'enthousiasme, de peines et de joies. La guerre écrase la jeunesse, "La Résistance" a exalté la nôtre. Ces quelques années, les jeunes "Résistants" que nous étions alors les avons vécues si intensément qu'elles s'imposent toujours à notre mémoire avec la même acuité. Cette période reste la plus remplie de notre vie, tant par la diversité et l'ampleur des activités que par la richesse et la plénitude des émotions.
L'arrestation d'un de nos compagnons, parfois d'un de nos parents, la rigueur du sort qui les attendait nous tordaient le cœur jusqu'aux larmes. La peur nous a tenaillés jusqu'à la moelle. Mais jamais je n'ai retrouvé cette profonde joie que m'ont apportée la première audition d'un message personnel transmis de Londres, le regard plein de confiance et d'espoir de l'aviateur allié abattu et récupéré à la barbe de l'ennemi, la vision des parachutes s'ouvrant dans le clair de lune d'une belle nuit d'été, l'atterrissage d'un petit "Lysander" et le franc sourire du pilote nous apportant avec son chaleureux salut, la preuve du même combat qui nous unissait pour la victoire finale … et tant … tant … tant d'autres évènements.
"Monsieur vous avez eu de la chance d'avoir pu, durant votre jeunesse vous enthousiasmer pour une si noble cause". Voilà ce qu'est venu me dire un élève de terminale alors que, dans le cadre de la préparation du Concours Scolaire de la Résistance, je venais de répondre aux nombreuses questions posées. Je crois qu'il n'est pas de meilleure conclusion à ce modeste propos et l'on comprend alors pourquoi toute oppression a engendré, engendre encore et engendrera toujours "La Résistance".
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